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Écologie : les mots de la crise

25 novembre 2020 - par Mathilde Albert

Image décorative.

« Désastre écologique », « compte à rebours », « choc climatique » … Les mots de la crise sont souvent anxiogènes. Mais sont-ils efficaces pour nous inciter à agir ? Cette semaine, on fait le point avec vous sur la puissance du langage !

Gare à l’éco-anxiété 

Un réchauffement climatique de +3°C d’ici 2050. Une montée des eaux qui dépassera 2,4 mètres avant la fin du siècle. 1 million d’espèces menacées de disparition. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » disait Jacques Chirac au sommet de la Terre en 2002. « Nous sommes au milieu de la 6e extinction de masse » affirmait Greta Thunberg devant le Parlement européen en avril 2019. Tous deux ont raison de tirer la sonnette d’alarme. Mais faut-il le dire de cette manière ?

Ces effets d’annonces créent chez certaines personnes une véritable « souffrance morale face à la destruction de la planète et de la biodiversité » analyse Alice Desbiolle, médecin spécialisée en santé environnementale. Fonte des glaces, pollution des océans, catastrophes naturelles… Chez ces nouveaux « dépressifs climatiques », le sentiment d’impuissance fait des ravages. Mais pour une majorité de gens, le discours catastrophiste produit aussi des effets radicalement différents : peur paralysante, fuite ou déni. Pas de quoi révolutionner la lutte contre le réchauffement climatique.

La société serait-elle schizophrène ? 

C’est une vraie question. Aujourd’hui, tout le monde (ou presque) a conscience de l’impact de ses pratiques polluantes sur la planète. Mais qu’il est dur de rompre définitivement avec ses habitudes les plus ancrées ! Accumulation de biens, usage excessif du smartphone, achat d’un SUV, déplacements en avion… Parce qu’ils sont familiers, ces réflexes sont rassurants. 

Pour Sébastien Bohler, docteur en neurosciences, tout part du cerveau humain. Dans son essai « Le bug humain » paru en 2019, il explique pourquoi notre cerveau refuse d’être écolo. « Le cerveau est l’objet le plus complexe de l’univers. C’est la prochaine « terra incognita ». […] On n’aurait jamais réussi à détruire le monde sans cette intelligence incroyable » souligne-t-il dans son ouvrage.

Ce qui provoque son aveuglement face à la réalité climatique ? Le striatum, cette partie de notre cerveau consacrée à la recherche du plaisir immédiat : consommer ou se reproduire par exemple (des actions très utiles pour la survie). Sauf que cela se retourne contre nous en nous empêchant aujourd’hui de penser sur le long terme. Nous sommes programmés pour penser au présent. Les dangers qui pointent à l’horizon sont inquiétants, mais pas assez « concrets » pour nous pousser à l’action. Et c’est là que le langage peut changer la donne. 

Le langage, nouvelle baguette magique ?

« Pour réduire la consommation de viande, être végétarien n’est pas la solution ». Derrière cette accroche provocatrice, Clément Fournier, rédacteur en chef de Youmatter, nous explique que c’est le terme « végétarien » qui pose problème. « En systématisant le refus de la viande ou du poisson, le régime végétarien est apparu à beaucoup de consommateurs comme un régime contraignant et restrictif ». Il équivaut à un changement drastique, définitif, aliénant… Un vrai repoussoir quoi ! Une étude de psychologie comportementale menée par la London School of Economics a d’ailleurs confronté des consommateurs à différents menus de restaurants avec exactement les mêmes plats, mais des intitulés qui changent. « Ce que les chercheurs ont constaté, c’est que les consommateurs évitent la plupart du temps les plats labellisés végétariens ». Tout en les mangeant bien volontiers sous un autre nom. Alors, si on changeait l’intitulé du menu nous aussi ?

Donner l’envie d’avoir envie

Comment donner envie aux gens de changer leurs habitudes ? Comment rendre ce futur plus désirable ? Pour Jean-Louis Prata, Directeur Innovation de l’Institute of NeuroCognitivism, la réponse se joue en 3 temps. Cela commence par la bascule cognitive, soit la prise de conscience. Problème, elle ne débouche que dans 26% des cas sur un changement de comportement. Il faut donc enchaîner sur la bascule émotionnelle, en créant un plaisir anticipé dans le nouveau comportement (plaisir supérieur au « désagrément » de l’abandon de l’ancien). Puis vient la bascule comportementale, soit le passage à l’action. Il y a 30 ans, le tri sélectif faisait son apparition timide en France. Aujourd’hui, on ne se verrait plus entasser nos déchets dans une seule et unique poubelle. Le tri est devenu un geste citoyen incontournable dans la majorité des foyers français.

Avec ces 3 leviers (cognitif, émotionnel et comportemental), nous pouvons changer les choses. Alors, prêts à adopter l’écologie positive avec nous ?